Journée organisée par
Sylvie DAVIET, Xavier DAUMALIN et Nicole GIRARD
Amphithéâtre
Maison méditerranéenne des sciences de l’homme
5 rue du Château-de-l’Horloge, 13090 Aix-en-Provence
Et en streaming sur la chaîne Youtube de la MMSH
MODÉRATRICE : Sylvie DAVIET, géographe, professeur des Universités, TELEMMe (AMU/CNRS)
Dominique THIEBAUT,
docteur en économie, membre fondateur du Laboratoire de conjoncture et prospective
À la fin des années 70 et au début des années 80, le Laboratoire de conjoncture et prospective dirigé par Christian Goux assurait une collaboration régulière avec le Nouvel observateur. C’est dans ce contexte et à la demande du Nouvel observateur que nous avons, Bernard Morel et moi-même, lancé une étude prospective sur l’an 2000. Il s’agissait de dresser des scénarios vraisemblables sur ce passage d’un millénaire à l’autre. Pour ce faire, Bernard avait lancé une « Méthode DELPHI » qui consistait à interroger un panel d’économistes, d’ingénieurs, mais aussi d’historiens, de philosophes, de sociologues, etc. réputés pour leurs propres visions de cet an 2000. Au fur et à mesure des synthèses, les scénarios se construisaient et s’enrichissaient. Sous la direction de Gérard Bonnot, grand journaliste scientifique reconnu, plusieurs numéros de l’obs furent publiés avec un grand succès… En l’an 2000, Bernard était très fier de constater que nous avions vu assez juste et, en tous cas, que nous n’avions pas manqué le virage…
Jean-Benoît ZIMMERMAN,
économiste, directeur de recherche CNRS, membre associé de l’AMSE (anciennement GREQAM) (AMU/CNRS/EHESS/Centrale Marseille)
En 1990, Pierre Fiastre, adjoint à l’économie de Robert P. Vigouroux, sollicite le GREQAM pour construire un argumentaire géostratégique susceptible d’étayer la vision prospective du maire : « Marseille capitale de l’Europe du Sud ». Après analyse, Bernard Morel, Louis- André Gérard-Varet et moi-même devons admettre que Marseille ne peut raisonnablement prétendre à un tel titre, face aux dynamiques de Barcelone, de Milan, ou même de Gênes… Deux éléments semblent conférer à Marseille une posture singulière. Le premier, qui résulte de sa géographie et de son histoire, est celui d’une ville au carrefour de deux grandes dynamiques, européenne et méditerranéenne. Le second est relatif à l’enjeu que représente, par-delà l’économie portuaire, la maîtrise des bases économiques et sociales en devenir, lesquelles débordent les limites de la ville pour englober son aire métropolitaine. Ces travaux, présentés au maire de Marseille ont donné naissance au concept d’« Euroméditerranée », du moins dans sa version initiale, et ont contribué aux premières réflexions pour la construction d’une approche métropolitaine.
10h35 Échanges avec la salle animés par Sylvie DAVIET
10h45-11h00 PAUSE
MODÉRATEUR : Xavier DAUMALIN, historien, professeur des Universités, Directeur de TELEMME (AMU/CNRS)
René BORRUEY,
historien et architecte, professeur en histoire et culture architecturales, laboratoire INAMA (ENSAM)
Bernard Morel s’imposait par une lecture forte de l’espace métropolitain marseillais. Il en situait les singularités, puissances et faiblesses, dans la durée réelle des processus, selon un récit agile saisissant et expliquant le présent comme actualité d’une histoire longue. Mais au-delà du récit, il faut aussi souligner l’importance qu’il accordait à sa transmission, en particulier aux rapports délicats qu’il appelait à construire entre « experts » et décideurs politiques, quitte à s’impliquer à contre-courant dans le débat métropolitain particulière- ment agité au tournant du siècle. Il invitait les experts – surtout ses collègues universitaires les plus virulents à l’encontre des élus réfractaires à l’idéal « impérieux » d’une coopération intercommunale globale – à écouter, comprendre et accompagner les élus sur le chemin nécessairement long d’une « métropole institutionnelle », conforme aux besoins criants d’une « métropole réelle » en plein essor, plutôt que les fustiger, voire les mépriser dans un esprit finalement toujours étatiste et technocratique ; « L’intercommunalité se fait avec des rap- ports humains », disait-il.
Pierre-Paul ZALIO,
sociologue, professeur des Universités, Campus Condorcet
La réflexion de Bernard Morel sur Marseille, s’enracine dans une compréhension intime de la ville et de son histoire : pour analyser l’économie et la politique marseillaises, il faut en comprendre le dénouement, où dans un contexte de crise de son industrie portuaire, la ville se déconnecte des territoires qui l’environnent. La crise de l’identité marseillaise (celle de l’après Defferre) est le revers d’une crise de connexion des espaces. Les contraintes de la topographie rejoignent les temps longs de l’urbain et des politiques d’aménagement. Il en découle des recherches sur la fragmentation des systèmes d’emplois, sur la nécessaire métropolisation de Marseille. Il en découle également les convictions du chercheur devenu acteur politique : les territoires sont de véritables facteurs de production ; l’avenir se prépare par une compréhension de la dynamique historique des territoires ; enfin les débouchés politiques de la recherche résident dans la capacité des acteurs publics à s’en saisir pour fédérer autour de projets collectifs d’intérêt général. on illustrera ce propos par le dialogue noué autour de recherches menées alors sur les élites patronales.
Guilhem BOULAY,
géographe, maître de conférences, ESPACE (CNRS/AMU/Avignon Université/Université Côte d’Azur)
Bernard Morel était une figure politique locale et régionale de premier plan. En plus d’être ce personnage public, c’était également un universitaire critique et un grand lecteur, capable de passer des heures à parler d’auteurs aux préoccupations ou aux positions théoriques apparemment éloignées de son positionnement politique. À la charnière des années 2010, alors que j’étais doctorant en géographie, j’ai eu la chance de le connaître comme directeur de thèse ; mon sujet portait sur le marché immobilier à usage résidentiel, dans ce qui était encore l’aire urbaine de Marseille-Aix-en-Provence. C’est cette seconde nature de Bernard Morel, sans doute moins connue du grand public, que je présenterai ici, à travers quelques concepts, livres ou auteurs dont il aimait discuter.
11h45 Échanges avec la salle animés par Xavier DAUMALIN
12h30-14h00 DÉJEUNER
MODÉRATRICE : Nicole GIRARD, géographe, membre associée de TELEMMe (AMU/CNRS)
Martin VANIER,
géographe, professeur à l’École d’Urbanisme de Paris (UPE) (UPEC/Université Gustave Eiffel)
Régionaliste, Bernard Morel l’était sans l’ombre d’un doute, tant dans son engagement politique que dans ses convictions d’analyste et de chercheur. Mais au-delà des thèmes habituels de cette posture d’inspiration fédéraliste et de la formule du mentor Michel Vauzelle (« pas un échelon administratif de plus, un échelon politique de mieux »), Bernard Morel explorait dans les années 2004-2006 les nouvelles exigences citoyennes d’une société d’individus pour en faire les bases de la proposition politique régionale, à la fois au plus près des personnes et au plus haut dans l’exigence républicaine. C’est sur cette médiation qui reste si difficile à réussir près de vingt ans plus tard que nous proposons de réfléchir ensemble, en repartant de quelques-uns de ses textes prémonitoires sur le sujet.
Thierry FELLMANN,
administrateur territorial, compagnon de route de Bernard Morel à la Région
Bernard Morel n’a cessé de faire des allers-retours entre ses analyses en tant que chercheur et son action en tant que responsable politique à la Région. Sa compréhension des enjeux économiques, sociaux, institutionnels et politiques l’a conduit à impulser, piloter des dé- marches d’action politique en cohérence avec ses convictions de chercheur. « Faire de la politique à partir de la diversité des personnes », comme le développe Martin Vanier dans son intervention, se retrouve ainsi dans la recherche par la concertation de lignes directrices autour d’un projet (SRADT, SRDEII…), l’appui spécifique à différents écosystèmes (re- cherche, clusters, ESS..), la mise en place de dispositifs de soutien personnalisé (créateurs d’entreprises, porteurs de projets…), mais aussi le soutien au mouvement social (fermetures d’entreprises, concertation avec les syndicats…). Ainsi, Bernard Morel a contribué à donner sens à un projet collectif pour la Région, dont les traces sont encore visibles aujourd’hui.
Philippe LANGEVIN,
économiste, maître de conférences, Aix-Marseille Université, militant associatif
Un universitaire peut-il être engagé dans la vie publique ? Vaste question qui aurait fait rire Bernard Morel pour qui la réponse allait de soi. Pourtant, elle ne l’était pas dans le milieu redoutable des économistes de métier, davantage portés à d’interminables discours sur les conditions de l’équilibre général que sur les mesures à prendre pour défendre le bien public. Maintenant qu’il nous a quittés, il est bien difficile, au-delà de la peine qui nous rassemble aujourd’hui, de prendre toute la mesure de cet infatigable explorateur sur les chemins du pouvoir qu’il a fréquenté toute sa vie, sans jamais en faire son métier. Bernard est passé partout, de la métropole à la Région, d’Euroméditerranée au Conseil économique et social en farouche défenseur de l’intérêt général. D’une modestie à toute épreuve et d’une détermination sans faille, il a su convaincre les acteurs locaux des politiques publiques de l’importance de leur mission dans une société historiquement centralisée et plus que jamais soumise aux incertitudes du lendemain.
14h45 Échanges avec la salle animés par Nicole GIRARD
MODÉRATEUR : Jean-Noël CONSALÈS, géographe, maître de conférences, TELEMMe (AMU/CNRS)
Jérôme DUBOIS,
Directeur du Laboratoire interdisciplinaire Environnement Urbanisme (LIEU) – IUAR (AMU), professeur des Universités
Géographe attentif aux dynamiques du territoire provençal et homme d’action, Bernard Morel a été précurseur dans le rapprochement des différentes formations des universités d’Aix Marseille. Dès la fin des années 1990, il a su tisser des liens entres les disciplines (géo- graphes, urbanistes, aménageurs, architectes, paysagistes, économistes) parties prenantes du projet urbain et de la compréhension des territoires. C’est ainsi qu’il a été l’artisan du master « Villes et territoires » institué dès 2004. Il tenait à la « création d’un diplôme homo- gène dans sa composition et diversifié par ses spécialités ». 20 ans après, la livraison pro- chaine de l’Institut méditerranéen de la ville et des territoires, réunissant l’ENSAM, l’ENSP de Versailles et l’Institut d’urbanisme sur le territoire d’Euromed, vient concrétiser une de ses grandes ambitions académiques.
Brigitte MARIN,
Directrice de l’École française de Rome, professeure des Universités
De 2004 à 2010, Bernard Morel a dirigé la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH). Jusqu’en 2008, il partagea cette direction avec Robert Ilbert, qu’il accompagna également dans les phases initiales de définition et de mise en œuvre de l’Institut méditerranéen de recherches avancées (IMéRA). Ainsi, avant de se retirer de ses activités académiques pour se consacrer pleinement à la vie politique à partir de 2010, Bernard Morel a été un acteur de premier plan au service de l’affirmation des sciences humaines et sociales, dans le contexte de la fusion des trois universités du site, qui déboucha sur la création d’Aix-Marseille Université en 2012. Les étapes de son engagement pour la MMSH et l’IMéRA reflètent sa vision de la recherche, du territoire et des institutions académiques. Pour re- prendre ses propres mots lors de son discours de départ à la retraite, le 20 décembre 2010, il mit « [son] espoir et [son] esprit militant dans un objectif, celui d’innover profondément dans l’université », en se positionnant comme « un intellectuel-passeur ; passeur entre des mondes qui s’ignorent ».
15h45 Échanges avec la salle animés par Jean-Noël CONSALÈS
16h00 CONCLUSION DE LA JOURNÉE
Sylvie DAVIET
16h15 COCKTAIL DE CLÔTURE
Myriame MOREL-DELEDALLE a le plaisir de vous convier à ce moment amical pour clore la journée d’hommage à Bernard Morel.
Captation : Les Films du Papillon
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